Billet

Killing Nathalie

 

Je l’embrassais sans savoir que sa bouche pulpeuse contenait de la poudre de cadavre chinois : où va le monde ? Etait-elle fausse jusqu’au bout des cils, cette demoiselle ? Qu’indiquait donc le tranchant de son regard bleu si ce n’est l’expression même du mensonge, la lucarne du mal ? Les femmes, me disait sans cesse mon père, elles sont nées pour mentir, et pour nous envahir.
 
Cette créature charnelle, armée jusqu’aux dents, nouvelle espèce de monstre qui n’a de monstrueux que l’âme, me posséda tout entier par l’entremise de mes cinq sens – subtils déguisements. Elle tricha, habile, sur la lame des mots qu’elle aiguisait à loisir de mensonges charmants, s’inventant pour l’occasion une destinée qui n’appartient qu’aux riches : certains diraient qu’elle a de l’imagination, la où d’autres jureraient de la mythomanie. Et les plus faibles tombent comme des mouches dans le piège de ses promesses exquises, une miette au bord de la bouche.
 
Je l’aimais comme jamais je n’avais aimé quiconque, anesthésié par ses beautés, l’infâme sortilège, le douloureux manège. Je l’aimais, tout autant si ce n’est plus qu’elle aimait mes présents, conjugués chaque jour en pierres précieuses, cosmétiques galactiques, technologies martiennes, tenues de soirées luxuriantes et festives – et puis, un jour, elle s’en est allée avec ma maison, prétextant l’envie d’un nouveau voyage.
 
Comment aurais-je pu deviner qu’elle n’était qu’une croqueuse de diamants à la petite semaine, sous ces airs altiers de reine factice ? Comment déceler la sincérité d’une caresse, la véracité d’un je t’aime quand le miroir étincelant de ses yeux vous renvoie incessamment quelque chose qui ressemble à de l’amour mais n’est, au fond, qu’une ruse du diable ? J’ai voulu la noyer dans le Rhône un soir, en finir avec elle, la détruire à jamais, la faire disparaître de la même façon qu’elle avait achevé en moi l’Espérance, mais ses seins en silicone, des bouées facturées 2500 euros, l’ont sauvée de la noyade. Et m’ont privé, à jamais, du bonheur. 

 


Texte écrit le 27 avril 2012.
Ce texte fait partie de l’anthologie Au Bonheur des Drames :

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