Billet

La Vérité sur la Mort

 

«  C’est l’histoire d’un jeune garçon qui jouait trop à un jeu sur ordinateur, il avait les yeux tellement rouges qu’ils ont explosé, et il s’est noyé dans son propre sang.
 

– Ah ouais ? C’est ça, ton histoire ?

 

– Attend, ce n’est pas fini. On ne l’a retrouvé que bien des mois plus tard : son absence à une convention fut remarquée puisqu’il était le seul de tous ces garçons – croyez-moi – à avoir moins de cinq boutons simultanément sur le visage et des lunettes finalement pas très fun, résolument modernes.
Quelques créatures communément baptisées « geek » se lancèrent à sa recherche pour découvrir son adresse grâce à un résidu d’IP. Quelle horrible découverte ! Mais soit, ce fut surtout l’occasion d’un petit étripage en bonne et due forme : ces prétendus amis, rencontrés sur la toile à l’occasion de parties sur un jeu somme toute anecdotique qui vise à détruire le nexus d’une équipe adverse, ont préférés cette fois-ci simuler une capture du drapeau grandeur nature !
Entre des éditions collector de films absurdes, celles, plus exotiques, de jeux vidéo, comics conservés sous des cellophanes triples épaisseurs et moult figurines fabriquées par des enfants manchots dans des usines infectées. Les récompenses à cette bataille ne manquèrent pas ! Bref, son appartement, malgré l’odeur de fromagerie passée du côté obscur de la force, fut dévalisé en deux temps trois mouvements par ses camarades de jeux et le cadavre, pas forcément frais, fut pourvu ni une ni deux d’une équipe zombifiée apte à le rejoindre derrière un tunnel de lumière tout sauf pixélisé.

 

– Non ? Sérieux ? Je ne connaissais pas cette histoire mais je peux t’assurer qu’elle ne m’étonne en rien. Au fond, c’est une histoire qui se décline volontiers dans les familles, entre veuves cupides et sœurs voleuses, et cette histoire sera vraie tant que les objets (et l’argent qui permet de les acquérir) nous survivrons : n’est-il pas illégal de dépouiller les vivants sans le secours des morts ?

 

– Bonne question, en tout cas, je ne te l’ai pas dit mais j’adore tes nouvelles lunettes. »

 

Texte pondu le 3 mars 2013.
Ce texte fait partie de l’anthologie Au Bonheur des Drames :

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