Billet

Miroir des Fleurs

 

Mauvaise surprise, le quai du métro est noir de monde ! 

 
Mais je me suis engouffré dans la brèche. Mortel parmi les mortels. Minute mortelle. J’étouffe parmi les vivants. J’attends.
 
L’absence d’éternité me pèse. 
 
Des créatures adipeuses et de sveltes naïades s’enfoncent dans les profondeurs et me submergent. Je sens du Jasmin, de lourds parfums de Vanille, de Rose, d’Iris. Je défaille. Je jouis du monde terne mais parfumé qui s’offre à moi, quand s’ouvrent les portes du métro, où nous nous entassons, dans une proximité essentielle, superficielle.
 
Un inconnu me regarde.
Je le sens.
Ses Iris bleutés rencontrent mes yeux vairons. Je sais, je sens, qu’il m’aime.
 
Et je l’aime aussi. Nous ne nous reverrons plus car comme les vagues, je disparais, mon corps d’un mètre quatre vingt, happé par des géants, comme réduit en poussière : une équipe de rugby, des arbres, des colosses, des molosses aux mâchoires carrées, me plaquent contre la porte arrière, où mon corps se compresse. Détresse. Je ne suis plus qu’un tas d’os : l’inconnu est perdu, perdu pour toujours – les Orchidées sont éphémères.
 
Submergé, je ne parviens pas à me dégager de ces corps monumentaux, je me sens risible, la Pâquerette qu’on écrase. Je rate la station. Je serai en retard. L’amour perdu, quelle importance d’être en retard, d’être à l’heure, d’être au monde ?
 
J’affronte cette station mystérieuse que je n’ai jamais vu, pour y voir un entrelacs de miroirs biscornus, plaqués contre les murs ternes, en quatre filaments longilignes comme des tiges, montant au ciel, paradis de béton. Et, dans chaque miroir, mon visage sème mille reflets, où je crois voir l’Orchidée. Je me retourne, ivre d’espoir, geste emporté, pour me rendre compte qu’en ce monde bétonné, ne pousse aucune fleur, n’en reste que les parfums futiles et éventés ; seul au monde, figé dans un monde en mouvement, j’aurai dû me douter que ces miroirs sont déformants.

 

Texte écrit en octobre 2007, paru le 22 octobre 2007 sur Le journal Inversé et le 23 octobre 2007 sur le blog collectif Paroles Plurielles, sous le pseudonyme Querelle. Egalement paru dans le recueil L’Amoureux Adéquat :

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Anonymous
octobre 22nd, 2013 at 10:03

M – A – G – N – I – F – I – Q – U – E !!! ( ToM)

novembre 8th, 2013 at 2:37

Merci 🙂

Phoenix
juin 10th, 2014 at 10:37

Quel beau texte…. (Je ne l’avais pas lu, celui là !)
« L’absence d’éternité me pèse »….
Ca me parle de trop….
Et en plus avec la zik de Muse (Que j’adore, surtout celle là)….
Tu me fais vibrer, rêver, songer…. Comme le vent qui souffle sur les feuilles d’un arbre…
Éphémère…
Mais un plaisir du moment que je grave ici !
Continues Nico !

Nicolas Raviere
juin 11th, 2014 at 11:41

Merci pour tes encouragements, ça me touche.
Je vois que tu te fais poète 🙂
Le vent est éphémère, ses feuilles aussi, mais l’arbre est toujours là !

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