Billet

Peggy C

 

La distraction du jour est tant commune qu’écoeurante, qu’elle n’est plus qu’un projet apte à nourrir les limbes, un égarement auquel on ne peut consentir sans renoncer à une partie de soi ; il en est qui se damnent à l’appel des corps spongieux et d’autres qui se prélassent, aux abois, cerveau liquéfié ou fumant, dans les dédales du très crucial « problème du choix », ceux-là même qui crucifient le corps à l’esprit. 
 
Je retrouvais par cet après-midi lumineux un astre tout aussi éclatant qu’un jaune d’œuf ; l’amovible connasse au teint de pèche de m’accueillir sur une chaise en rotin. A l’heure du thé, tout est possible ; à l’heure du thé, l’espérance ruisselle, chaude : du lait, du miel, dans un nuage de thé. Et l’on s’envoie des petits biscuits fins comme une navette. Sur une musique discrète, et guillerette :
 
Des hépatites Mylène s’en fout,
Le glas du chic, c’est dans son trou !
 
Un moment idéal et mondain, pétri de confessions aussi gluantes qu’un mouchoir en papier usé, confinant à l’instant, où le rire affecté n’a de cesse d’éclater, jeté aux oubliettes, dans la fosse septique de mon cerveau bourbeux aussitôt qu’expédié, comme un lancement de missile. 5, 4, 3, 2, 1 Peggy se rapproche dangereusement de ma placide personne et me demande ce que je veux.
 
– Il reste encore du gâteau ?
 
L’abattoir, aux allures d’antan, ruisselait de verveine et de lavande, comme une bonbonnière suintant la naphtaline ; Peggy C, 25 ans, en avait déjà 30 ou 50, effrayante, intemporelle, dans sa chemise glamour et chic, un pur décalage qui me reconduisait sur les chemins de la découverte, dans cet appartement non loin d’un pont, où j’ai perdu mes derniers liens à l’enfance, parmi d’imaginaires santons, écœurantes moissons. 
 
Je savais qu’il n’appartenait qu’à moi de transformer cet abattoir en féerie, par un seul geste, parce qu’il est des regards qui ne mentent pas, des attitudes qui, bien que fières et altières, appellent l’épiderme : on sent la mécanique d’une lassitude, le spectre flagrant d’une solitude immense, qui claque, puissante comme un jet de semence. Quand la musique s’éteint enfin, ça prend des allures de tragédie. 
 
Je voulais du sexe, du sexe brut, mais point avec Peggy C, point dans cet appartement ridiculement féminin, et point après une tasse de thé, du sexe pour fillette, aseptisé, parfumé à la fraise : s’il veut des fleurs, je pense cuir, s’il veut du cuir, je pense fleurs. Et je veux de l’amour, avant tout. Maintenant. Ton abattoir, névralgique dulcinée, n’est qu’un magasin de porcelaine, pas même un souvenir lorsque la porte se referme – et claque : je ne suis pas un bibelot, ni même une truie. Je me caresserais ce soir, au bord du coma. 

 

 Extrait de Querelle(S) III ::
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février 11th, 2012 at 7:24

Je voulais te prévenir que par deux fois, ici et sur ton ancien site, j’ai eu affaire à un cheval de Troie. Mais tel Ulysse, je dois avoir vaincu car aujourd’hui, il n’apparaît plus.

février 11th, 2012 at 9:16

Je vois pas trop comment c’est possible, tu as télécharger une image précise ou quelque chose comme ça ?

février 12th, 2012 at 11:23

Non, simplement en cliquant sur ton adresse dans mes favoris.

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