Job et les Pro Fêtes
Du bruit, du bruit qui se fait et je n’en puis plus. Le tintamarre, la cacophonie : n’y décèle point une pointe d’ironie ! Certains sont branchés barbecue, d’autres macaronis, pour ma part je ne serai pas contre un petit séjour en Laponie pour esquiver ces fêtes absconses dans le terrier des abrutis.
Fustigé par la ratatouille musicale, accompagnée de son cortège de rires tonitruants et gutturaux, je jauge avec un élitisme bourgeois vieux con cette mélasse sonore qui pousse au meurtre, logorrhée saturée invectives. Mon seul besoin, impérieuse porte de salut : un allé sans retour pour les Maldives. Suis-je sensible ? Le genre de garçon prompt à l’exagération qui voit des éléphants à la place de souris ? Sachez que la douleur cérébrale est telle qu’elle fait passer la gonorrhée pour une caresse !
Dimanche, lundi, mardi, mercredi, jeudi, vendredi, samedi : chaque jour y passe et le bon sens trépasse avec cette assurance un peu rance qu’imprime le mauvais goût au moral des insouciants. La vie contemporaine s’étale, crachée par des hommes au venin de crotale : le cœur des femmes, le vice de « ses salopes », n’a plus de secret pour moi. La fange et la phallocratie me révèlent chaque secret de l’univers au son d’un battement monocorde qui tape dans le mur avec un entrain indéfectible : un ouvrier dans la force de l’âge, à qui l’on promettrait un million pour détruire un immeuble, ne mettrait pas tant de cœur à l’ouvrage.
Quoi ? Qu’ouïs-je ? Qu’entends-je ? Un effet stéréo des plus saisissant, fatal et assourdissant ? Voilà que les voisins de gauche, férus de musiques analogues, s’invitent pour un dialogue qui s’annonce palpitant : crime en quinconce. Dialogues de sourd, chants de pestiférés !
A peine le temps de digérer l’offense que j’installe mes boules quies dans mes conduits auditifs malmenés. A défaut de naufrage, résistons sur les récifs. Les contours s’effacent dans la caisse de résonnance qu’est mon cerveau ! Ma boîte crânienne, prise en otage de ces carnages monodiques, ne parvient plus à s’échapper outre mesure : je deviens fou, direction l’asile – ou la bande à Basile. Ne me parlez pas de démesure !
Vous me direz que ces cloportes dorment ? Et comment ! Ce doit être doux, un monde sans bruit : encore faudrait-il savourer les fruits de ce répit ! Les fêtards partis, la musique, bien qu’éteinte, se joue encore en moi, réglée comme un métronome et cela, jusqu’aux heures les plus reculées. Biaisée, ma pensée tourne en boucle sous forme d’un rap binaire et injurieux : suis-je contaminé par la marque d’une génération qui ne pense que par la trique et la folie des marques, du prix unique ? La haine est en moi et elle est politique !
Ecoute-les donc ces porcs, se gavant des basses atomiques, le bulbe en ébullition, récitant les gammes de ces insultes en « culés » « ute » et « asse » : je t’éclate la chagasse et ta cam d’enculée au Texas ! Je t’éclate ta face, pute, car t’es d’une sale race. Nous revoici partis au stade anal, symbolique de la trique, des vagins patentés, des stups et des analgésiques.
Peut être un jour cesseront-ils ces vacarmes bouffons pour s’adonner aux joies délicieuses et paisibles de la méditation, au macramé ou toute autre activité relaxante, au risque de passer pour des tantes, des pros de la détente, des hommes en dilettante : que faire à plusieurs si ce n’est du bruit, prouver son existence d’abrutis ? Pensons génocide en mangeant une compote de fruit : quelques bastos dans le buffet de ces nullos devraient faire l’affaire. Qu’il est doux, ma foi, de rêver, d’espérer le silence.
Que nenni ! En attendant, le calme ne s’obtient qu’au prix d’un lourd sacrifice : une longue et périlleuse ascèse, ou la suppression totale, fatale, d’un sens : n’y comptons pas, c’est de l’indécence. Un jour, me dis-je alors pour me consoler, cela se terminera, se terminera vraiment et pour de bon : exit la discothèque du grotesque, ce sera un véritable bain de sang, un carnage éléphantesque – à moins qu’une issue miraculeuse se dessine enfin et s’impose à nous avec la bonhomie d’une farce : et si, par le plus grand des hasards, la conjoncture farfelue du destin, nous trouvions tous un job ?
Texte pondu le 15 juillet 14
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