Billet

45

 

45 ans, ton corps s’engraisse, se ramollit : tu rotes, tu pètes, plus rien n’arrête ces phénomènes, la lente putréfaction de ton organisme, l’orgasme des jeunes générations qui te toisent, verges vigoureuses, et foutre soyeux.

 

La nature qui toujours te rattrape, des lianes sous les bras, des racines qui jaillissent hors du cerveau, tu deviens cette plante parasite d’une terre calcifiée et dardes ton sommet fané comme une fleur un peu vaine en quête d’un paradis : sinistre utopie.

 

Ces jeunes beautés lustrées par le soleil, inondées par l’ego justifié d’une génération perdue, t’ignorent désormais avec la désinvolture des sphinges. Certains te lancent des insultes quand, oubliés à eux même par l’injonction de liquides, ils prennent conscience que tu existes : une étrange prémonition.

 

Tu disais : je n’aurais jamais 45 ans, plutôt mourir, et pourtant, il n’est point de mort plus pénible que celle-ci : le temps qui passe, qui s’enfuit, et te laisse sur le carreau, tel un insecte écrasé, mais qui luit encore, sous l’éclat persistant d’un soleil déchu : une petite lampe qu’on a oublié d’éteindre. Voilà ton monde.

 

Texte écrit le 9 juin 2012
Ce texte fait partie de l’anthologie Au Bonheur des Drames :

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Fab
octobre 10th, 2013 at 9:10

Bonjour Nicolas,

Je suis désolé d’utiliser cet espace commentaire pour ma question mais je n’ai pas trouvé d’adresse mail où te joindre. Je te lis depuis un moment et j’ai vu que tu avais publié chez the book edition et voulant moi aussi publier, j’aimerais avoir un aperçu de ton expérience chez eux. As-tu payé quoi que ce soit pour l’impression de tes livres ou pour autre chose ? Merci d’avance 🙂

octobre 10th, 2013 at 7:09

Bonjour Fab,

Aucun problème 🙂 Au niveau de mon expérience, je n’ai rien à redire, je suis satisfait 🙂
Le seul petit bémol c’est que quand tu crées un livre, tu dois attendre quelques jours pour qu’ils le vérifient (voir s’il correspond bien à la charte etc) Non, tu ne paies rien du tout, seulement les exemplaires que tu achètes toi même au prix de l’impression, sans la com. Rien ne t’y oblige même si c’est plus pratique pour les corrections d’avoir le livre physique entre les mains. Le seul truc que je n’aime pas trop, c’est le prix des frais de ports. J’espère que ça répond à tes questions. Bonne soirée 🙂

Yann Frank
juin 30th, 2014 at 6:23

Non mais qu’est-ce que c’est que cette vision de l’âge mûr !!!

50 ! Je ne rote ni ne pète ou si peu. Mais certes, le corps s’abîme, et il est facile de sombrer dans l’abandon inesthétique si l’on n’y prend garde.

Et certains « vieux » ne s’aventurent plus dans les ghettos de leur différence de peur de ne se prendre des piques assassines lancées par des créatures dupliquées. Le miroir est une épreuve de chaque jour et les selfies vous balancent parfois votre sinistre vérité dans votre vieille gueule.

Heureusement, il existe encore des regards bienveillants au-delà de la déliquescence d’une vieillesse qui s’annonce, pire que l’antichambre de la mort.

Et ces regards vous rendent exceptionnels, comme une perle d’huître qui s’est longtemps cultivée et ne trouve sa véritable beauté qu’après une lente maturation.

Ah comme j’aime son regard sur moi ! Son regard tendre et sensuel !

juin 30th, 2014 at 8:35

C’est une vision de l’âge mur parmi tant d’autres, sans doute assez répandue. notamment dans la société occidentale où tout un dispositif est mis en place pour les mettre à l’écart les personnes âgées (les vraies) des familles (maison de retraite, de santé…), ce qui n’est ni forcément un bien ni forcément un mal en fonction du cas.

Mais 45 ans, voire même 50, est-ce vraiment un âge mûr ? C’est plutôt d’après moi la fin d’un âge charnière où il s’agit avant tout de s’accepter. Il semblerait que ce soit difficile. D’où ce possible dialogue devant un miroir.

Ces Ghettos dont tu parles ne méritent pas cette sagesse potentielle. Il faut aller vers ceux qui savent la reconnaître et qui en seront dignes. Et puis le charme est quelque chose qui survit aux années alors que le physique s’étiole : c’est ce critère indéfini, peut-être subjectif, qui pour moi fait la beauté des personnes. Un jour, tes créatures dupliquées comprendront (ou passeront sous le bistouri pour défier l’ordre naturel des choses.)

Merci pour cet échange, petite perle d’huitre. Il a de la chance M DU6 😉 Bonne maturation !

Yann Frank
juin 30th, 2014 at 8:48

Non, à 50 ans, je ne me sens pas mûr, juste, effectivement, en train d’arriver à maturation. Comme tu le dis si bien, je suis en cours d’acceptation.

Quant aux ghettos pas gais, je ne m’y intéresse pas vraiment, je n’ai jamais eu la sensation d’y être parmi les miens à 20 ans, alors tu penses bien, 30 ans plus tard … que les créatures-clones continuent à vitupérer, elles connaîtront forcément un jour les affres de la jeunesse qui vous quitte … et les bistouris que certaines réclameront les feront ressembler à des masques figés, pathétiques.

C’est toujours un plaisir d’échanger avec toi, j’en parlais ce matin à mon mari, Cédric Ducisse, entre une biscotte et une cuillèrée de compote !

juin 30th, 2014 at 8:56

Espérons que cette transition se passe bien. Comme ça, tu m’apprendras quand ce sera mon tour !

Quant aux Ghettos, qu’on appelle souvent le « milieu » (le déteste ce mot qui peut supposer un entre deux) je partage ton avis mais pour l’avoir fréquenté à certaines périodes de ma vie, et même si je n’y ai jamais été vraiment à ma place (comme je ne suis pas à ma place non plus chez les végétariens d’ailleurs : les communautés ont des codes qu’on ne partage pas forcément malgré le point central, l’être est complexe et par nature, dans ses volitions, dans ses goûts et sa culture) ça m’a apporté quelque chose : des rencontres, des expériences, un regard sur moi qui aurait pu être destructeur mais que j’ai, avec le temps, mis à profit. Ca m’a permis de m’accepter plus : moi par rapport à moi, et non moi par rapport aux autres, un peu comme dans la cour de récrée. Donc ne crachons pas tout le temps dans la soupe de garce !

PS : L’avantage, avec la compote, c’est qu’on ne voit pas si la pomme contient un vers 🙂
Bises

Yann Frank
juin 30th, 2014 at 11:27

Quand ce sera ton tour, j’aurai surement l’Alzheimer 🙂

Ben en fait je ne crache pas dans la soupe de garce, j’ai passé de très bons moments dans le milieu PARDON le ghetto gay quand il était centralisé dans les Halles, je m’y suis fait des amis, j’y ai rencontré des regards souvent bienveillants … mais depuis que ça s’est déplacé dans le marais, et pour avoir essayé de m’y aventurer, je n’ai plus aucune attirance, plus aucun intérêt pour ce concentré géographique de nous-mêmes, enfin … de l’une de nos caractéristiques.

Bref !
Nous éloignons du texte initial, mais après tout c’est ça aussi les commentaires !

Bien à vous.

Yann Frank époux Ducisse

juin 30th, 2014 at 1:39

On s’en éloigne pour mieux y revenir je trouve, du reste on est pas très loin de ce thème. C’est toujours une question d’acception de soi, par rapport à soi-même et / ou par rapports aux autres (et vice versa). Dans une communauté précise , il y a toujours des codes qui finissent par nous rendre obsolètes si nous évoluons et l’âge, en dépit du reste, est une évolution : le corps change et changera toujours jusqu’à la fin. A l’esprit d’évoluer.

Bisous du Midi

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