Billet

Goran

 

Voici l’histoire de Goran, le bel inconnu, et d’Adrien, un jeune homme sans histoire, deux adolescents très différents qu’une fâcheuse situation rassemble, pour le meilleur et pour le pire : la mère de Goran, mourante, ne peut plus s’occuper de lui. Adrien tombe amoureux de Goran, retour d’affection mais Goran aime surtout la vie et donc… Goran meurt. Adrien se souvient de cet amour terrible, qu’il essaye de revivre par le biais de l’écriture, mais l’écriture fait éclater la vérité à mesure que l’histoire se recrée : était-ce vraiment de l’amour ? Est-il possible, également, de tout raconter ?
 
Goran est suivi par un récit inédit : Démence 153 (Autopsy : une soirée avec Dieu).
 
 

Extrait


 
Il était nuit, blanche de neige, sur la vallée offerte au ciel noir, les branches d’arbres striant le ciel comme des épées de lumières. Règne d’un silence profond comme la mort, brouissure légère et discrète des flocons tombant mollement sur le corps inerte de Goran, recouvrant peu à peu son derme, ses vêtements, figeant dans sa course folle l’épais filet de sang s’échappant de sa nuque gracile. Dans quelques heures, ce serait un corps dissimulé par un manteau de pureté, un ange congelé au regard vide et bleu comme l’azur, dans quelques jours, un cadavre rugueux, un roc humain offert au soleil glacé – et l’humanité de pleurer cette découverte sordide, lorsque, par hasard, un promeneur, un homme, une femme, un enfant, un chien, découvrira que Goran n’est plus de ce monde, que Goran a été assassiné, lui qui fut si bon, si droit, dont la beauté ne méritait pas d’être effacé d’un monde aussi froid et cruel.

Des traces de neige dansent autour de lui, comme une valse à deux temps : l’entrelacs de quatre pas, dévoilé dès l’orée du bois et la fuite rigide, agile, d’une emprunte qui file au loin de la ville, dont les lumières ondulent lourdement sous la tombée de flocons, telles des lucioles paralysées par la neige, aux confins de l’horizon voilé par la nuit même. Nuit, quel est ce secret dentelé par la nacre liquide de ce paysage désormais sombre mais poétique, enseveli pour que la nature même oublie ce crime, comme les cris qui l’ont précédé, étouffés par le vent, le vide, l’absence ? Nuit, connais-tu seulement ce secret, pour le laisser reposer en tes bras ? Nuit, consentiras-tu à me raconter cette histoire avant que le sommeil ne vienne à mon tour m’enlever, que je m’absente du monde encore une fois, à rêver de lui, Goran, et de son sourire qu’un revers de main essaye d’effacer de ma mémoire ?

Il est des ombres dans mes rêves qui le ravissent, l’emmènent dans un autre monde, de sorte qu’il me soit inaccessible et qu’il n’en reste plus rien qu’une odeur, un songe, tout au plus un souvenir.

*

Lové dans son écrin repose Goran, magnifique beauté assoupie, teint privé de vie, les lèvres grenat, gonflées de sang, bordé de ce manteau que la nature lui offre si gracieusement en cette nuit de décembre, la plus longue, la plus glaciale des nuits.

 


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