Billet

Les Petits Carnages

 

Ils se traînent les amoureux, vogue la galère, esclaves d’un quotidien qui les sépare toujours plus malgré l’insolente proximité qui les lie : la surface approximative d’un appartement, la rectitude désolante d’un fondement.

 

Viens me faire un câlin ou vas chier. Splendide invitation à cet amour amer, délétère. Confession sur le divan d’un psy : nous louons désormais sans enthousiasme cette position sexuelle qui nous évite de voir, de l’autre, son visage, gros plan sur son fondement.

 

Les invectives, armes tranchantes de la haine, gagnent du terrain, de la bouche à l’arrière-train, vont bon train. Les paroles, autrefois légères, enivrantes, ne sont plus que percussions, flatulences des émotions, une leçon d’allemand apprise avec dévotion.

 

Où est passé cet amour passionné qui nous liait dans les chairs ? Cette sensation déchirante d’absence, de solitude, quand l’autre n’est pas là, qu’il semble ne plus faire partie d’un univers désormais morne, signant le règne atroce, despotique, du vide ? Là, quand il est là, c’est le nerf et la guerre, une somme d’émotions nucléaires.

 

Nos petits carnages, ils n’en ont pas l’air, ont détruit des meubles, mis à sac l’immeuble. Des obus de vaisselles ont éclaté, s’insérant parfois dans nos chairs meurtries. Les mots, comme des balles, ont traversé nos cœurs éclatés, étouffés nos cerveaux par leur toxicité et nos glaives, qui n’ont plus droit de cité, nous transpercent avec acharnement, refusent obstinément de porter le coup fatal.

 

L’éjaculation n’est jamais qu’un clystère.

 

Pondu le 26 mai 2014.

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Mr Freak
octobre 19th, 2016 at 7:16

La misère ordinaire. C’est terrible de vérité. La dernière phrase m’a tué et a fini d’asseoir ce texte. Wow.

Yvan Ton Breton
octobre 29th, 2016 at 12:52

Ejaculer…
Tu le fais aussi par ces mots !
Mais toute jouissance n’est pas forcément, celle qu’elle devrait être…
Je sens beaucoup de peine…
Mais tes mots me blessent, m’interrogent sur ce que tu vis…
Et comme un hyper-sensible (que je suis)… Mon cœur est blessé de te lire ! 🙁
Tu sais touché le point sensible de tout être…
Bisous bonhomme… Et essayes d’être heureux…. Ca me ferai très plaisir

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