Billet

Histoires de Chair

 

Je ne t’ai pas dit : voilà, quel aveu, intense, je ne veux plus voir ta chair s’ouvrir, ta chair amère et délétère, parfumée du vice d’autrui, s’ouvrir devant moi, gluante d’amour, gélatineuse comme un bonbon porcin : des fantômes d’amour qui ont souillé ta couche, comme ils vibrent, là, tout contre mon corps !
 
Comme ils prennent existence dans mes doutes, inhibent mes pulsions, retiennent mes élans, me suspendent au bord du gouffre ! Ce qui me lie à toi, au sacré de ton corps : l’histoire charnelle que nous écrivons. Le feu de notre passion si dévorante n’est rien qu’une fleur fragile. Le bonheur n’est pas indélébile. Aux aguets, valse lente, cruelle, comme ils vibrent, relent de tes souvenirs, immortels parfums, fantoches de sigisbées, ces amants d’autrefois !
 
Les yeux fermés, je les touche, sépulcrale présence et tu leur donnes, ancestrale vertu, des prénoms qui me révulsent chaque fois, comme des araignées voraces, juchées sur des toiles bourbeuses où je m’enlise, me paralyse : c’est un mythe qui se créé quand l’amour s’invite, l’éviction de toutes les certitudes, celle que la chair est hantée par feus les promeneurs solitaires des samedis meurtriers, ce jour malsain où officient  les mélomanes de l’amour, les mythomanes notoires qui t’ont perdu dans des labyrinthes dantesques, pour l’amour de toi, pour l’amour d’un rien : quintessence primale des phénomènes burlesques que ces improbables résurrections ! Des Nicolas, des Anthony, Yoan et Cyprien fondus, à jamais, sur le grain de ta peau, des traces d’ADN incrustées, à jamais, dans les profondeurs de ton vagin.
 
***
 

Dehors, des ouvriers vaquent sur des toits bétonnés, encore vierges de tous mythes urbains : la ville encore et toujours se construit sous nos yeux, péniblement dans le ciel gris, s’élève, priapique, dans l’azur blanc cassé, torsadé de grues orangées. J’invite ces silhouettes musculeuses qui semblent se jouer de nous dans l’indifférence la plus totale : et cependant, ils nous voient avec la candeur des nouveaux nés.

 

Texte écrit 19 juin 2012.
Ce texte fait partie de l’anthologie Au Bonheur des Drames :

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juillet 6th, 2012 at 12:02

La chair est une glu dont on ne peut se décoller et les nouveaux-nés n’ont parfois de candeur que celle de leur bleu de travail. Ôté, s’en dégage la chaleur de l’enfer.

juillet 6th, 2012 at 12:45

Encore heureux que la personnalité ou son absence édulcore ou annihile le désir, où nous en serions tout à fait prisonniers. La société nous expose de plus en plus à la beauté, exhibée, et la laideur qui se cache derrière, comme un monstre sous un lit bien confortable. Quant aux ouvriers… hummm

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