Billet

La Maison des Rêves (version courte)

 

Maison au luxe baroque, où traînent des créatures demi nues, alanguies sur des sofas purpurins. Antre de tous les crimes et j’avoue non sans honte m’y vautrer, insondables délices : hommes et femmes y sont désirs, ardents comme des braises, corps étendus vers les flammes de la cheminée, sous un grand lustre de cristal, dans l’abandon de soi le plus dérangeant et l’âcre odeur de leurs désirs perdus.
 

Certains portent des masques, ressuscitant Venise au-delà de leur chair, exposent cependant leurs sexes à cette fête troublante, là où la musique, impériale et sonore, bat son plein, tonitruante, comme autant de notes de cristal qui déchirent l’espace, les plaintes lénitives de l’abandon multiplié.

 

Mais je m’égare dans ce dédale de couloirs, au premier, second étage, ouvrant une à une les portes pour découvrir qui de ces amants et amantes perdues en ce labyrinthe feutré sera mon féal : dans une curieuse bibliothèque, miteuse et décrépie, une jeune femme de haute taille, vêtue d’une ocre tunique que condamne une ceinture de nubuck cloutée. Ses boucles d’or sont celle d’un prince, sa moue, celles d’une ingénue, improbable actrice ou mannequin, à l’innocence feinte de l’été meurtrier.

 

******

 

Les deux jeunes gens se regardent, au milieu de ces précieuses rangées de livres vermoulus, aux reliures dorées, dont l’odeur âcre se mélange à celle de leurs ceintures grandissantes.

 

Ils voient dans les vitres de leurs regards vitreux combien l’amour naît entre eux, que le rêve condamne déjà, désirent s’en échapper, trouver de l’autre la clé qui leur ouvrira l’amour, pour se dépecer du nubuck qui recouvre leurs corps.

 

Seule, la fenêtre de la bibliothèque accueille leur regard, offrant la vision d’un étrange mais triste escalier bleu et, bien au-delà, des taches de neige, faisant naître, à mesure qu’elles s’évaporent dans l’air glacé, des gerbes de verdure flamboyante – ce pourquoi il lui donna solennellement les clefs de la maison.

 

Texte écrit en octobre 2007, paru dans cette version le 5 octobre 2007 sur le blog collectif Paroles Plurielles, sous le pseudonyme Querelle et en version longue sur Le journal Inversé le 5 juillet 2008. Egalement disponible dans L’Amoureux Adéquat :

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