Billet

L’Ecole des Chiens (de la fraternité)

 

Vieux pédé miteux, personne ne trouve grâce à tes yeux. Tu déambules dans les rues fardées pour les fêtes avec cette conviction que la décadence règne en maître. C’est avec dégoût que tu regardes les enfants promener leurs esclaves : ces parents dociles qui cèdent à chacun de leurs fantasmes. Deux paires de baffes, c’est tout ce qu’ils méritent.

 

Horreur : ces femmes qui se la jouent bourgeoises, parées d’élégances les plus mesurées, tu les imagines la cuisse moite, besognées par de jeunes désœuvrés, casquettes vissées et verbes plus lourds que leurs crachats. Le sexe faible, que tu méprises sans doute plus que tout malgré tes politesses, exhibe des sacs à l’effigie du capitalisme, se transformant en publicités vivantes : quelles ignorantes créatures ! D’autres paradent, sourires et téléphones brandis comme des trophées, vêtues de contrefaçons aussi grossières que leurs statures. Syndrome cendrillon : risibles petites salopes, penses-tu.

 

Partout, c’est l’Agression. Une cigarette, de la monnaie, des tickets-restaurants : les sollicitations pleuvent de toute part, suivi le plus souvent d’insultes, voire, paraît-il, de coups de couteau, lorsque l’heure est avancée. Les vitrines putassières sonnent comme autant d’invitations visuelles et sonores au crime : vol à l’étalage, cambriolage, séquestration de vendeuses sous le comptoir. Et les mecs qui font les fiers, dans leurs jeans trop serrés : leurs couilles se résument à l’impolitesse la plus rudimentaire. Souvent, et tu le sais fort bien, ce sont de piètres amants.

 

Au coin d’une rue déserte, ton petit chiwawa esquive les malfrats qui t’insultent dans cette langue vulgaire et barbare que tu conchies. Un grand frisson et tu reprends ton souffle : il s’en est fallu de peu, cette fois-ci ! Enfin, tu es bientôt chez toi, de retour dans ton petit cocon : tu t’imagines déjà lové dans ton somptueux canapé, essuyant tes larmes aigres et laiteuses avec un petit mouchoir de soie, sombrant dans les profondeurs d’un sommeil olympien après la lecture d’un classique pompeux. Seul avec tes préjugés les plus sordides, maudissant l’espèce humaine avec tant de rage contenue, tu incarnes à toi seul le mal de ce siècle que résume à la perfection le mot cliché.

 

Texte craché le 20 décembre 2013
Ce texte fait partie de l’anthologie Au Bonheur des Drames :

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