Billet

Sissi l’Opératrice

 

Elle a cette gueule tout à fait abstraite qui vous file la nausée et vous dégueule des bonjours à longueur de journée, suspendue au cellulaire qui, la nuit, illumine sa cellulite : un millier de lucioles.

 

Par habitude, elle dit je t’aime à des étrangers aux pseudos meurtriers, inspirés par cette faute de goût évidente qui donne au crime toute sa saveur. Elle murmure ses secrets comme des versets bibliques à qui veut les entendre : il y a toujours un homme esseulé au bout du fil, prêt à s’y pendre pour jouir un peu.

 

Viendra, viendra pas ? Elle ne sait jamais quelle tenue enfiler, pour se défiler : d’un bar miteux, nous irons au resto et si l’on se plaît, ailleurs nous ferons de vieux os. D’une chambre d’hôtel austère à l’autel d’une église, il n’y a qu’un pas. Ce ne sont pour elle que d’odieuses fictions puisqu’il s’agit toujours d’éconduire avec férocité ces horribles prétendants :

 

En présence du grand lapin blanc, ce sont toujours des blancs-becs effilés aux airs énamourés, puceaux devant l’éternel, le genre étouffé par les jupons d’une matriarche despotique, qui viennent à elle par vagues, par centaines, par milliers : une colonie de cafards. Parfois de vieilles loques syphilitiques tentent de faire diversion dans cet historique pathétique, histoire de taper le bout de gras.

 

Il semblerait, en résumé, que tous les hommes potables soient déjà pris mais Sissi l’Opératrice n’a pas dit son dernier mot – et comment : voilà qu’elle raccroche à jamais  le combiné, cédant aux sirènes de la modernité : adopte un mec, pour quelques kopecks, en quelques clics, tu rameutes une clique : voilà sans doute la solution la plus probante, quand la solitude devient cruelle pour ne pas dire démente : il est grand, il est beau, si apprêté, si merveilleux ! Et vous savez quoi ? Il coûte à peine plus cher qu’un chat, et lui, c’est une innovation, il ne perd pas ses poils !
 

 

Texte écrit le 16 février 2013
Ce texte fait partie de l’anthologie Au Bonheur des Drames :

 

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juillet 14th, 2013 at 4:32

Encore un titre comme je les aime et dont tu as la recette !

juillet 15th, 2013 at 2:35

On ne se refait pas 🙂

Yann Branque
juillet 2nd, 2014 at 7:18

Voilà un dernier paragraphe qui me rappelle ma désastreuse expérience de Meetic, mais ceci est une autre histoire à raconter lors de confidences nocturnes.

Bon titre, bon texte : bel ensemble.

Bonne journée !

juillet 2nd, 2014 at 11:12

Je t’imagine un instant cédant aux sirènes de la vie contemporaine, t’improvisant Cougar. Ce cher M Ducisse aurait-il du souci à se faire ? La concurrence est rude, désormais, sur le front sud.
La question est : perd-il ses poils ?
Have a nice Day !

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