Billet

Yann Folie

 

Le petit Yann est dans sa couche, turbulent après cette longue et harassante journée passée à vomir qui l’a privé d’école, le principal centre d’intérêt de sa vie primitive d’enfant. Réconfort décevant : une gorgée de sirop au menthol, à peine une caresse sur ses muqueuses irritées !

 

Fiévreux, Yann s’ennuie dans son petit lit, reluque ses peluches placides qui l’observent paisibles : quel manque cruel d’action. Silence infernal du Furby curieusement furtif qui pose ses yeux globuleux sur le blondinet désoeuvré, lequel, souffrant plus que de raison, se fait des films et s’imagine regarder les enfants du village jouant au calot.

 

Dévasté par la maladie, recroquevillé comme une chenille, il en oublie ces douces fictions et gesticule de plus belle nonobstant les douleurs. Enfant roi, tapant du pied pour un rien, il implore la médecine de l’aider : Maman, Maman, tonne-t-il d’une voix impérieuse d’aryen. Sans résultat. Il aimerait s’emparer de la clochette de Meuh la vache pour sonner sa génitrice à la façon d’une domestique, pathétique bonniche. Hélas, sa force, pour l’atteindre, est bien trop chiche.

 

Petit vers de terre qui ondule sur la surface moite des draps, souffrant le martyre d’une énième maladie d’enfant, tu n’as point idée de ta constitution fragile tant tu désires conquérir le monde. Croyant en ta puissance comme une grenouille de bénitier croit en Dieu, tu implores ton hostie et frétille d’impatience. Nerveux, ton corps façonne malgré lui sa première addiction.

 

Dans la pièce attenante, salon spacieux brodé de napperons et d’insolites bibelots, chats sertis de strass et poupées de porcelaine, tu entends la voix de ta mère qui, dans un semblant de révolte hystérique, réprimande le docteur à la façon d’une impératrice. Tes oreilles en feuilles de chou, impeccablement dressées, ne ratent pas une miette de cette délectable conversation.

 

– A chaque fois, c’est le même cinéma, la même folie ! Mais vous vous rendez compte de ce qui se passe vraiment ? Ou vous avez des œillères ? Je vous le redis une dernière fois, ou nous prendrons la décision irréversible de changer de médecin de famille : ne prescrivez plus de suppositoires à mon fils, je crois qu’il y prend goût !

 

 

Pondu le 16 juillet 2014.

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