Billet

Le Harcèlement Sexuel pour les Nuls

 

« Ma chérie, avez-vous consulté le journal ce matin ?
 
– Non, Bernadette, vous savez fort bien que je ne lis pas le journal, jamais. Beaucoup trop de caractères !
 
– Certes. Peu importe. Moi, je l’ai dévoré. Avez vous ne serait-ce qu’entraperçu la grande nouvelle qui tapisse la Une, en gros caractère bien gras, le genre de nouvelle qui fait passer l’horoscope et la rubrique nécrologique pour de la roupie de sansonnet, non pas l’arrestation momentanée d’un récidiviste ou une énième piste non exclusive sur un réseau de terroriste abscons, non, la grande nouvelle, celle qui va enfin changer ma vie : l’abrogation de la loi sur le harcèlement sexuel ?
 
– Mais c’est dégueulasse, rétorque avec une légère véhémence l’interlocutrice vaguement outrée, qui surenchérit avec un bref sursaut, une régurgitation de special K : dans quel monde vit-on !
 
– Dans un monde d’équité, Bernadette voyons ! Vous ne comprenez pas : pour moi, c’est la liberté absolue. Cette loi sordide et floue m’a toujours pourri la vie. Les féministes, qu’est-ce qu’elles sont rétro !
 
– J’avoue que j’ai du mal à vous suivre.
 
– Pour changer ! Je vous sens circonspecte… Un peu de bon sens, voyons. Vous savez comme je m’entends bien avec le président directeur général ? Vous n’ignorez pas comme lui et moi nous aimons passer du temps entre nous, à la pause café, devant cette caméra sordide qui nous fait tant douter de nous. Cette saleté de caméra, et bien, elle lui fiche littéralement la frousse : et si nous commencions une histoire, cette voyeuse de garce en témoignerait assurément ! L’homme, cette pauvre créature traquée par la génération big brother, n’a jamais vraiment fait confiance aux femmes. Elles le lui ont bien rendu à se battre pour cette loi brouillonne qui, finalement, les éloigne de nous.
 
– Mais vous avez raison Ségolène ! Je plussoie ! C’est plutôt royal, l’éradication de cette loi, finalement. Je crois qu’elle va m’ouvrir de nouveaux horizons ! Je m’imagine d’ici, je vais enfin pouvoir asticoter ces jeunes employés fraîchement débarqués du lycée. Comme ils m’émoustillent ! Je les imagine souvent nus avec moi, dans mon jacuzzi. Ils sont imberbes et ont des peaux de bébé. Ca semble si doux, au touché ! Franchement, cet aveu ne manquera pas de vous étonner, mais ils sont déjà bien trop payés avec le SMIC et il ne me suffit plus de les regarder. Je veux toucher la marchandise que j’exploite. Je crois qu’ils devraient un peu payer de leur personne, après tout, je leur offre un travail, c’est déjà pas si mal avec cette crise que nous traversons, pour quelle reconnaissance, je vous le demande : aucune ! Les féministes, c’est nous Bernadette !
 
– Et bien ma chère, que dire de cet aveu qui m’émeut profondément d’autant plus qu’il me conforte dans mes idées et m’ouvre, et c’est heureux, de nouvelles perspectives, au cas où mon patron se méfierait encore de moi : les hommes pensent toujours qu’on en a après leurs bourses. Ils n’imaginent pas à quel point ! Et que dire, très chère, de votre audace, de votre façon de croquer le monde – et les hommes – à pleines dents, si ce n’est que vous avez, c’est certain, plus d’un tour dans votre sac. »

 


Texte écrit le 4 mai 2012.
Ce texte fait partie de l’anthologie Au Bonheur des Drames :

Acheter Au Bonheur des Drames

Share Button

Vous aimerez peut-être :

  • Killing Nathalie   Je l’embrassais sans savoir que sa bouche pulpeuse contenait de la poudre de cadavre chinois : où va le monde ? Etait-elle fausse jusqu’au bout des cils, cette demoiselle ? […]
  • Cindy ou comment rompre proprement avec quelqu’un sans utiliser de SMS   Terrasse d’un café noir de monde, une blonde qui fume une gitane en attend une autre, boudinée dans une tenue desigual. Cette dernière se penche le moins naturellement du monde, […]
  • Fantasme : Les Nouveaux Voisins J’avais prié Dieu qu’il nous ponde une canicule pas piquée des vers, histoire de dézinguer les Dujardin, ce couple ventripotent adepte de la médication à outrance, cela pour le bien de la […]
mai 30th, 2012 at 5:52

Froid dans le dos me font ses Chasseuses de petits jeunes, ces félines qui s’apparentent plus à des hyènes qu’à des cougars…

mai 30th, 2012 at 6:20

Mieux vaut qu’elles te fassent froid dans le dos que chaud dans le bas du dos ! 🙂 Ceci dit, ces femmes cougars me fascinent, ce sont un peu, d’une certaine façon, les féministes de l’an 2000.

Laissez un commentaire

theme par teslathemes