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(…) Hier, j’ai eu un rendez-vous, encore un rendez-vous, me direz-vous. Je serais presque à moi tout seul une agence matrimoniale. Aux milles et un dossiers irrésolus. Classés X. J’y suis allé, donc, à ce rendez-vous, par la nuit : le mec m’a posé une question qu’on ne m’avait jamais posée auparavant, du moins, dans ce genre de situation : d’habitude ce sont toujours à peu près les mêmes, tellement soûlantes, prévisibles, qu’on y répond avec dédain, machinalement, attendant la suivante avec perplexité.

 

MANUEL DE SURVIE : TOP 3 

3. Tes parents, ta sœur, tes amis, ton poisson rouge (…) savent-ils que tu es homosexuel ?
 
Que le miroir le sache est déjà bien suffisant !
 
Définir sa vie, son caractère par l’homosexualité, c’est quand même super galvaudé, et ridicule, non ? Je réponds à cela que je suis artiste, avant tout, j’écris, je peins, cela fait peut-être prétentieux, mais la fierté d’être « gay » avant tout et de définir son mode de vie par sa sexualité est de loin plus risible.
 
2. Quelle est ta plus longue relation ? Fort souvent accompagnée de son inévitable corollaire qui permet, lorsque c’est moi qui la pose, de profiter du spleen d’autrui, autrement dit, d’éviter tout potentiel questionnement intrusif et lourd : pourquoi ça n’a pas marché ? Ou simplement le tester : voir s’il l’aime encore, ce qui, ma foi, évite bien des déconvenues.
 
Il est un fait que les spectres d’ex viennent souvent hanter les relations, bien qu’ils ne se matérialisent pas toujours sur des photos, ils subsistent d’eux des fragrances, souvent pestilentielles. Cette emprise est telle que parfois, sans même le savoir, on fait l’amour à trois !
 
1. Depuis quand es-tu homosexuel ?
 
Celle-ci, je l’élude toujours ; mon parcours m’est personnel, il m’appartient. Et si, un jour, je souhaite l’étaler, ce sera dans une autobiographie, à l’écrit et non pas à l’oral. Ce qui me permettra de gagner quelques sous, histoire de financer mon alcoolisme latent.
 
Cependant, comme ils insistent, parfois, je tronque la vérité, ou bien, si l’humeur m’en dit, si l’envie m’en prend, je réponds des choses comme : j’étais amoureux de la bite de mon père, quand je la voyais de très près. A peine formé, je n’avais pas vraiment, cela se conçoit, de faculté de juger. Et puis, c’est mon tout premier souvenir tu sais… J’avais déjà envie de la prendre en bouche, tu comprends ? A force qu’il m’englue, je suis même devenu lactaphile ! Tu sais ce qu’il te reste à faire, sweetie ! Anyway, i’m kidding, je ne réponds jamais cela, jamais. Ou si peu !
 
Je raconte très souvent que ma mère, lorsque j’avais seize ans, m’a offert le livre écologique de Madonna, tu sais, celui qui s’appelle Sex, et que ce livre, s’il ne m’a pas dégoûté de cette somptueuse soprano et actrice de renom, m’a permis néanmoins de positionner, lentement mais sûrement, ma sexualité par les rôles affichés, exaltant également ma peur des femmes, ces créatures éminemment paranormales. Si, à cet âge-là, j’avais découvert Les Roses Anglaises, je serais peut-être devenu un père de famille exemplaire, suicidé à quarante ans, ou bien un prêtre adepte du Glory Hole, officiant non seulement dans l’église d’un minuscule village, au fin fond de la Nièvre, mais également sur les aires d’autoroute, parmi d’autres pères de famille tout aussi respectables.
 
Mais je m’égare. La question donc. La question posée, c’était : 
Quand tu as un rendez-vous, un rendez-vous comme celui-ci, est-ce qu’il t’arrive parfois de trouver une excuse pour partir ? 
Ma réponse : 
Non. Jamais, je n’aime pas mentir. Je préfère faire semblant d’écouter, acquiescer, mais au moins, je reste.
Voilà, tu sais tout maintenant.
***
 

Mon rêve d’amour, tu le connais, je l’ai déjà raconté une fois, il m’en souvient : c’est lui, non encore incarné, et moi, complètement désincarné, tendrement lovés dans les bras l’un de l’autre, regardant Salo. Evidemment, on n’a pas toujours le standard qu’on mérite.

 

Extrait de Querelle(S), journal intime mais non confidentiel : 
 
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mai 5th, 2012 at 12:08

Ah! ces conversations stéréotypées! Et il n’y a pas que pour le cul! Dans ces cas-là, je me tais ou alors je joue le jeu à fond, jusqu’à écœurement. Le problème, c’est que, souvent, l’autre ne s’en rend même pas compte (ou que je passe à ses yeux pour un con…).

mai 5th, 2012 at 12:55

Très cher, le mot cul vous a fait passer dans les spams 🙂 Oui, c’est valable pour d’autres raisons que la « drague » comme si au fond on passait un peu des entretiens d’embauche pour tout. C’est fort pénible et ça m’a donné envie de rencontrer de moins en moins de monde au fil des année enfin, c’est pourtant un passage obligé. L’absence de ses questions seraient troublantes, finalement, non ?

mai 5th, 2012 at 2:53

Longue et pénible est la route qui mène à la rencontre avec un être qui vaut la peine…

mai 5th, 2012 at 6:54

Comme tu dis. La quête de l’amour me fait souvent penser au jeu de l’oie et, quand on rencontre quelqu’un, c’est une partie d’échec qui s’engage, parfois.

mai 5th, 2012 at 9:08

C’est aussi ça qui est amusant, non ? 🙂

mai 5th, 2012 at 9:20

Quand on a envie de jouer, évidemment ^^

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