Billet

Les Vies Trépassées

 

Première fois : Avance donc un peu, vers moi, tout près : ce sourire, dans la pénombre, est la marque d’une crainte intime. N’essaye pas de te perdre dans ce chemin qui me mène à toi : nous ne sommes insaisissables si le désir se manifeste. Toute flamme qui brûle mérite son âtre. Qu’importe les heures, les lieux, les demeures, toute prison est un état en soi. Les trois sœurs n’étendent pas les fils comme le linge à la lueur violente des étés calcinants et, s’il pleut, ce n’est qu’un feu diffus, la caresse palpitante et sincère de la nostalgie.

 

Dernière fois : L’hiver touche à sa fin sur une note glacée. Sous la peau blanche et gelée, le sang ne circule plus. L’être aimé ne parle plus qu’en fumée diffuse et son haleine ravive les passions d’autrefois, aujourd’hui calcifiées. Au bord des yeux s’esquissent les sourires ternes et complices : qu’adviendrait-il de la parole hors la nuit ? Sur les tombeaux glissent les larmes du ciel tendre et les cieux gris invitent au regret : les fleurs endeuillées perdent leurs ombres effeuillées. Sur la pierre souillée de péripéties modernes palpite enfin un cœur aux couleurs chaudes et chiadées : les vieux murs dégradés s’effacent et deux jeunes enfants cahotants rient.

 

Enième fois : Nous n’irons pas au musée de l’aviation, comme prévu, suite à quelques délations déliées : j’aurais dû te frotter la bouche au savon ! Qu’avons-nous donc à faire d’autre si ce n’est renoncer ? Qu’importe les piques du soleil éclatant, nous sommes consignées comme ces beaux vêtements, retenus en otage dans un aéroport, alors que les corps presque nus s’exhibent face au corail, glissant sur des voiles indolentes ? Les prisons d’internet sont là, qui nous appellent toujours : exposons-nous, sereins, face au cortège de croquemitaines.

 

Pondu les 22 janvier 2015 (première fois) et 29 janvier 2015

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